Il n’y a pas plus important que d’être connecté à sa vérité

avec Léonore Nzamba

Léonore NzambaTon approche se développe en mettant un soin particulier à se révéler par étape. Peux-tu nous expliquer cette logique et le sens que tu lui accordes ?

En effet, dans mon approche, tout n’a pas forcément vocation à être dévoilé en une fois. L’idée de creuser me plaît bien. Selon la sensibilité ou l’approche, certain·es vont opter pour un effet marteau-piqueur, c’est-à-dire vouloir un effet immédiat sur la personne accompagnée. Moi, quand j’accompagne une personne, je me dis que si une graine peut être plantée, même s’il reste une part de mystère, que je ne sais ni ne maîtrise ce qu’il va en advenir, que ça m’est invisible, ça me va aussi.

Dans cette logique, je me questionne beaucoup sur ce qu’une personne présente dans l’immédiat. Des fois, ce qui est montré, est-ce que c’est vraiment la réalité de ce que tu es ? Et est-ce que c’est vraiment ce que tu as à montrer ? Tu me tartines ton Instagram, mais est-ce que c’est vraiment toi, ou est-ce que c’est un masque ?

Donc, au fond, il s’agit d’accéder à une forme de sincérité qui, de mon expérience, ne peut s’atteindre que par petites touches successives.

Le fait d’avancer progressivement permettrait donc de contacter avec plus de confiance ce qui est profondément vrai en nous, et que l’on a tendance à cacher spontanément derrière des masques ?

Oui. J’ai parfois fait face à des personnes qui dans leur façon de faire, leur dynamique, étaient dans une logique du « tout, tout de suite, maintenant », qui n’acceptaient pas une certaine idée de la lenteur. Alors que chez moi, la contemplation, voire ce que l’on appelle « l’inaction » peut avoir une part d’action. Le silence peut te faire voir énormément de choses. Le fait de te poser aussi. Ton angle est différent.

J’en fais l’expérience dans mes accompagnements. Il m’est déjà arrivé, suite à un moment intense, où la personne que j’accompagne se révèle de manière intime, brute, qu’elle demande un temps pour laisser infuser, qu’il se passe quelque chose en profondeur. Face au poids de ses conscientisations, le besoin de se déposer s’impose comme une évidence et devient une respiration nécessaire dans le processus d’intégration.

C’est de cette manière que l’on peut remettre en question certaines conventions. Qui a dit que, si tu n’as pas fait telle chose à telle âge, si tu n’as pas atteint tel objectif, si tu déconstruit la voie que tu as choisie à tel moment, c’est pas bon ? Toi, à ce moment-là, est-ce que ça fait sens de te poser à ce moment-là, ou pas ? C’est à toi, et à toi seul, de choisir de te poser, et de voir, à cet instant, comment ça résonne

Donc, plutôt dans cette dynamique-là aussi, c’est ce qui me tient à cœur. Un accompagnement au-delà des conditionnements de tout ce qui est imposé, et de tout ce qu’on peut s’imposer, à travers le regard des autres et une certaine peur. Déconstruire, voire même décoloniser certains esprits, que chacune, chacun, puisse se reconnecter à sa souveraineté. Ça aussi, c’est important pour moi. 

Comment envisages-tu ta posture dans ce processus ?

Petit à petit, j’ai appris à dépasser mes études en droit puis en ressources humaines, pour arriver à l’accompagnement. Et les épreuves que j’ai traversées jusqu’ici viennent nourrir ma perspective et ma façon d’être quand je suis dans cette posture. Au-delà d’être professionnelle de la relation d’aide, je me présente comme « contributrice du monde » et cela revêt une importance telle que cet intitulé apparaît sur ma carte de visite.C’est comme ça que j’approche les choses. C’est comme ça que je me vois. Au-delà d’une action « métier », accompagner l’être, son cheminement vers lui-même, c’est quelque chose que je vois vraiment comme relevant de l’intérêt général.Au fond, le monde, c’est chacun, chacune de nous qui le composons, et je trouve qu’il n’y a pas plus important que d’être connecté à sa vérité, qui on est, pourquoi ? Ça ne permettra peut-être pas une guérison totale, mais c’est un processus de pacification qui peut faire sens. C’est comme ça qu’on accède à sa juste place, et qu’on peut envisager le lien avec les autres, la coopération, la co-construction. C’est vraiment dans cette optique d’unité, de lien, de symbiose, que je fais ce que je fais. 

Ça implique une attitude qui inclut les différences, les visions du monde divergentes. Ça demande de comprendre quand quelqu’un parle depuis ses blessures, et de dépasser les antagonismes. Parce que même s’il peut y avoir une infinité de visions du monde, le monde reste commun. Donc il y a un enjeu à clarifier ce qu’on entend, de sorte qu’on puisse toutes et tous se rejoindre. Et accepter de regarder l’ensemble des choses, et pas seulement la cabine où on est soi, nos propres angles morts et nos querelles d’ego.

Propos recueillis par Martin Perrin

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